ALPHA ou BRUTE

15 Jan, 23Blogue

Alpha ou brute

Avertissement, dans le présent document, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d’un féminin et d’un masculin.

Mise en situation

Les termes « mâle alpha » et « femelle alpha » ont été tellement dénaturés que des influenceurs, des bacheliers, des consultants et même des universités l’utilisent actuellement de façon inexacte. Ce qui revient à utiliser le terme infarctus pour parler d’une bronchite.

Ce qui porte souvent les dirigeants d’une organisation à poser le mauvais diagnostic, ce qui entraîne l’utilisation du mauvais remède ou l’embauche de la mauvaise personne.

Faites le test, allez sur Google ou Edge et inscrivez le mot « mâle alpha ».

Incroyable n’est-ce pas!

Voici ma description préférée : « Le mâle alpha est un homme charismatique et séducteur qui prend son courage à deux mains afin d’aborder la fille qui lui plaît ». C’est du gros n’importe quoi!

À en croire la littérature actuelle, une personne pourrait être identifiée comme mâle ou femelle alpha sans occuper le rang le plus élevé dans une organisation. Avouez que c’est une aberration. Cela revient à croire que le dernier chien d’un attelage de traîneau est le mâle alpha de la meute.

Voyons cela ensemble.

Mise au point : Le terme organisation utilisé ici englobe une entreprise, une société, un OBNL, un groupe, une cellule familiale, etc.

Le Malentendu

Le terme « alpha »

L’expression « mâle alpha » ou « femelle alpha » remonte aux recherches sur les loups en captivité menés par l’éthologue suisse Rudolf SCHENKEL dans les années 1947. Son concept impliquait qu’un loup dominant devait rivaliser avec les autres loups de la meute et que c’était  gagnant des batailles qu’il devenait le loup alpha. Il ne nous faut surtout pas oublier que SCHENKEL parlait d’un couple alpha, et pas seulement d’un mâle alpha ! Les auteurs machistes ont bien sûr focalisé sur le mâle.

Par la suite, tout est parti en vrille.

La genèse du malentendu remonte à une conférence au cours de laquelle des spécialistes du comportement humain se sont mis à penser qu’ils pouvaient s’appuyer sur les premières constatations de SCHENKEL pour les appliquer au genre humain (hommes et femmes)

Mais il y a un léger problème : « un humain n’est pas un loup ».

Coup de théâtre

En 1999, Lucyan David MECH, zoologiste de renom ayant passé, au Minnesota, treize années à observer des loups en liberté y va d’une déclaration fracassante : « Les individus alpha, censés dominer le groupe à l’issue d’un processus de compétition, n’existent pas ! » « On s’est trompés ! » N’oublions pas que SCHENKEL avait observé des loups en captivité et non dans leur habitat naturel.

L’une des informations obsolètes est le concept du loup alpha. Ce concept implique de rivaliser avec les autres et de devenir le meilleur chien en remportant un concours ou une bataille. Cependant, la plupart des loups qui dirigent des meutes ont atteint leur position simplement en s’accouplant et en produisant des petits, qui sont ensuite devenus leur meute. En d’autres termes, ils ne sont que des reproducteurs, ou des parents, et nous les appelons aujourd’hui, le « mâle reproducteur », la « femelle reproductrice ». Cependant, il existe des meutes avec plus d’un animal reproducteur, mais ce phénomène est très rare.

Aujourd’hui, les primatologues et les zoologues savent que la théorie classique de l’Alpha dominant sa troupe est périmée.

Mais qu’importe, les croyants en une divinité alpha persistent et signent en continuant, par des ouvrages, des séminaires, etc., à propager cette fausse croyance.

Ce qui explique qu’aujourd’hui nous voyons des alphas partout.

L’humain vu sous l’angle alpha

Pour recadrer le terme alpha ֕ dans un contexte plus approprié pour nous humain, tournons-nous vers les primates les plus proches de nous : les bonobos qui partagent 95 % de notre patrimoine ADN et les chimpanzés communs qui en partagent plus de 96 %. Et de plus, leur structure sociale est similaire à la nôtre.

À ma grande surprise, les primatologues utilisent encore le terme alpha pour désigner l’individu occupant le sommet hiérarchique d’un groupe de primates.

Leurs récentes recherches chez nos cousins ont mis à jour que le mâle le plus grand, le plus fort n’est pas souvent celui qui occupe le plus haut rang. Le réseau, la personnalité, l’âge, les compétences stratégiques et les liens familiaux sont autant d’éléments qui aident chaque individu à gravir l’échelle sociale.

Dans les faits, on ne naît pas alpha, on le devient !

Qui pourrait-on voir assis sur le trône Alpha ?

Ces recherches ont permis d’identifier deux types d’individus pouvant accéder au trône alpha : le leader ou la brute :

  • Le leader, c’est une personne qui a su acquérir des compétences stratégiques et il s’est fabriqué un fort réseau d’influence. Il a appris de ses erreurs et il a acquis le respect de ses pairs et aussi des personnes moins bien classées de son organisation. Ce leader préfère rallier sa troupe plutôt que de la soumettre. Il s’efforce à faire régner la paix dans son organisation et aide celle-ci à atteindre ses objectifs et surtout, il est impartial.
  • La brute, comme Frans DE WAAL,[1] je crois que nous ne devrions pas appeler un individu qui intimide un « alpha ». Quelqu’un qui est grand et fort ou se sert de sa position sociale pour intimider et insulter tout le monde, pour les soumettre, n’est pas un alpha, c’est une brute et quelques fois même un tyran. Il suit les préceptes de Machiavel « Il est plus sûr d’être craint que d’être aimé ». Il a gravi les échelons en pilant sur les autres. Un vrai alpha possède les qualités citées plus haut. Bien qu’une brute puisse occuper le trône alpha, les individus de cet acabit connaissent généralement une fin de règne rapide et brutale. Malheureusement, ils ont souvent le temps de faire de dommages importants.

Bien qu’en théorie il ne peut y avoir qu’un seul alpha par organisation, dans les faits si l’organisation est divisée en secteurs, services, etc., les directeurs de ces divisions, s’ils ont le pouvoir de congédier, peuvent être analysés sous l’angle alpha tout en gardant en tête que chaque directeur est un individu bêta lorsque comparé à son patron. Du moins je l’espère pour l’organisation.

[1] De Waal Frans. (nov. 2022), Différents : le genre vu par un primatologue : Édition LES LIENS QUI LIBÈERE

Conclusion

Grâce aux récentes recherches, nous avons une meilleure idée de ce qu’est un alpha et surtout de ce que n’est pas alpha. Ces nouvelles balises pourront nous servir dans nos processus d’embauche et gestion d’employé difficile.

La sélection des dirigeants doit être prise très au sérieux par les décideurs de l’organisation, car les mauvais choix se révéleront extrêmement coûteux. Procéder par essais et erreurs est une méthode qui de révèle généralement très coûteuse (en argent et en énergie). Le recrutement d’un ou d’une dirigeante doit être vu comme une décision cruciale de l’organisation.

L’expérience m’a apprise que la présence et surtout la tolérance d’une ou de plusieurs brutes dans une organisation indique sans équivoque la présence d’éléments pathogènes au sein des décideurs de celle-ci.

En terminant, j’espère que ma tentative de recadrer le terme « alpha » portera des fruits. Il est grand temps de ne plus tolérer de comportement brutal ou tyrannique sous prétexte qu’une personne est un alpha inné.

N’hésitez pas à me faire par de votre opinion sur ce sujet.

Références

Kets de Vries, M. (2006), La face cachée du leadership 2e édition, Paris : Pearson Éducation France

De Waal Frans. (nov. 2022), Différents : le genre vu par un primatologue : Édition LES LIENS QUI LIBÈERE

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